Le 16 Dec 2024
Apporter sa maison au bureau : une bienveillance à double tranchant.
Il y a une génération, le travail s’invitait souvent à la maison. On ramenait des dossiers à finir, des mails à traiter. Aujourd’hui, c’est la maison qui s’invite au bureau. Les préoccupations personnelles, les émotions, parfois même les conflits familiaux traversent les portes de l’entreprise et s’installent au cœur des échanges professionnels.
Pourquoi ? Peut-être parce que l’entreprise, qui a longtemps exigé une séparation stricte entre le personnel et le professionnel, se retrouve aujourd’hui à jouer un rôle qu’elle ne maîtrise pas toujours : celui de soutien émotionnel, voire de refuge.
Cette tendance à "s’occuper de la personne dans sa globalité" part d’une intention louable. Mais elle soulève une question fondamentale : est-ce vraiment ce dont les employés ont besoin ? Et surtout, l’entreprise est-elle le bon cadre pour cela ?
Je me souviens de l’histoire de Jeanne.
Un fille super pro, super efficace. Un patronne d’équipe très investie. Nous avons fini par être amie et un jour bien longtemps après, elle m’a raconté son histoire perso. Elle était battue par son mari et a vécu l’enfer. Et elle m’a décrit à quel point son travail lui a donné de l’air. Non, elle n’avait pas envie à l’époque d’en parler ni à la RH ni à ses collègues. Son travail, son poste, son rôle lui a donné la force d’affronter sa vie personnelle.
Une bienveillance déséquilibrée
Les RH déploient souvent des dispositifs pour accompagner les problématiques personnelles des collaborateurs : gestion du stress à la maison, conflits familiaux … Ce sont des initiatives qui témoignent d’une grande bienveillance. Mais cette bienveillance, mal dosée, peut se révéler contre-productive.
Car à force de vouloir tout gérer – du bien-être mental à la vie privée – l’entreprise en oublie parfois l’essentiel : le travail lui-même. Comment se concentrer sur les vraies difficultés professionnelles – celles qui minent la confiance, empêchent la progression ou bloquent les projets – quand l’énergie de l’entreprise, son moteur, est mobilisée pour régler des problèmes personnels ?
Recentrer le rôle de l’entreprise
Et si l’entreprise recentrait son attention sur ses responsabilités premières : aider ses collaborateurs à dépasser leurs défis professionnels ? Mal maîtriser un processus, avoir peur de prendre la parole en réunion, échouer à gérer un projet stratégique… Ces situations fragilisent les employés autant, sinon plus, que leurs soucis personnels. Pourtant, elles restent souvent sous-traitées, oubliées, dans une approche de bienveillance déséquilibrée.
Aider un collaborateur à mieux performer, à se sentir compétent, à surmonter ses blocages dans son rôle… c’est aussi une forme de soin, mais un soin directement lié à la mission de l’entreprise. En mettant l’accent sur l’accompagnement professionnel, on donne aux individus les outils pour regagner en assurance et en autonomie. Et, par effet de ricochet, on leur permet de mieux gérer leur vie personnelle.
Trouver l’équilibre
Il ne s’agit pas de nier l’impact de la vie personnelle sur le travail ou de fermer les yeux sur les souffrances individuelles. Mais il est peut-être temps de redéfinir les limites de la bienveillance en entreprise. Car à trop vouloir s’occuper de tout, on finit par écraser l’entreprise sous un poids qu’elle n’est pas conçue pour porter.
Une entreprise forte, ce n’est pas celle qui règle tous les problèmes, mais celle qui donne à chacun la force de les affronter.
Le 09 Dec 2024
Demander de l’aide au travail?
Êtes-vous de ceux qui n'hésitent pas à demander de l'aide à vos collègues lorsque vous vous sentez perdu, ou à parler ouvertement à votre manager lorsque vous traversez un moment difficile au travail ?
Le lien humain au sein de l’entreprise est crucial. Le professeur Michael P. Leiter dans son ouvrage Burn-out des jeunes et systémie nous explique que les burn-out et autres malaises professionnels ne découlent pas uniquement de la charge de travail en soi. Leur origine réside souvent dans la solitude et le sentiment d’isolement, face à des défis que l’on peine à surmonter seul. C’est ce manque de soutien et d’accompagnement qui génère stress, épuisement et perte de motivation.
Et croyez-moi, les nouvelles générations sont particulièrement sensibles à cette dynamique !
✨ Il est donc essentiel de savoir et de pouvoir communiquer ouvertement sur ses difficultés, d’oser demander de l’aide lorsque l’on en a besoin, et de ne pas craindre de montrer ses vulnérabilités. D’ailleurs, lorsque vous débutez votre carrière, votre manager sait bien que vous ne savez pas tout faire ! C’est normal. Personne ne s’attend à ce que vous ayez toutes les réponses dès le départ.
Prendre conscience de l’importance d’être soutenu et entouré, même au travail, est crucial pour prévenir l’isolement et renforcer les liens au sein des équipes. Lorsque nous nous sentons écoutés et compris professionnellement, nous sommes non seulement plus résilients face aux défis, mais aussi plus performants et motivés à contribuer au succès collectif de l’entreprise.
Instaurer une culture de l'entraide, où chacun se sent libre de demander conseil, de partager ses difficultés ou de solliciter un soutien, ne doit créer ni mauvaise impression ni faiblesse. Au contraire, cela doit favoriser un environnement de collaboration saine et de soutien mutuel, propice à l’épanouissement et à la performance sur le long terme.
✨C’est pourquoi avoir de bonnes compétences relationnelles est clé : être capable de parler, d’échanger, de demander de l’aide, et de créer des liens de confiance est essentiel pour naviguer dans ces moments difficiles. La manière dont nous communiquons avec les autres façonne notre bien-être au travail, mais aussi notre capacité à réussir ensemble.
Le 15 Nov 2024
Un monde trop ouvert ? Trop, Trop, Trop... vaste, vertigineux, incertain? ?
Avec certains de mes étudiants en master, qui se préparent pour une première expérience en entreprise, j’ai lancé notre dernier cours avec une question simple : "Quel mot décrit le mieux votre état d’esprit en ce moment ?" La réponse a été frappante. Les trois quarts des 35 élèves ont répondu : "angoissé," "perdu," ou "fatigué."
Ces jeunes de la Génération Z, souvent étiquetés comme "paresseux" ou "désengagés," sont, en réalité, profondément anxieux. Ils me disent : "J’ai peur de mon avenir."
À 22 ans, on ne devrait pas avoir peur. On devrait explorer, se lancer, sans crainte d’échouer. Mais, eux, ils rétorquent : "Avec tous les choix possibles qui s’offrent à nous, comment savoir quoi choisir ?"
J’ai essayé de leur montrer que cette peur est peut-être le revers de la médaille d'un monde trop ouvert, où tout semble possible et où la vie s’étale en version soit "parfaite," soit "chaotique," sans juste milieu. Tout paraît soit spectaculaire, soit effrayant. Un cadeau un peu empoisonné.
Je les encourage alors à voir la vie comme un chemin de crête. Moi aussi, je pourrais me dire : "Et si j’avais accepté l’offre de Barclays en 1998, ma vie aurait-elle été meilleure ? Ou pire ?" Nous, les moins jeunes, avancions étape par étape, souvent avec des rêves flous, sans le poids des milliers de possibilités. Peut-être est-ce cette infinité de choix aujourd’hui qui nourrit l’angoisse des jeunes.
Ils entendent des messages comme : "Commence ta carrière ici ou là pour réussir, sinon c’est foutu." Imaginez l’angoisse que cela génère !
Peut-on savoir aujourd’hui si notre décision sera la bonne dans 15 ans ? Bien sûr que non. Alors, j’essaie de leur transmettre des outils pour qu’ils développent leurs compétences relationnelles. Pour qu’ils comprennent que ce qu’ils sont compte autant que ce qu’ils savent. Que leur parcours ne sera pas tout tracé, et que ce sont leurs qualités humaines, leur capacité à travailler avec les autres, et leur persévérance qui ouvriront des portes, qui donneront envie aux autres de les avoir à leurs côtés.
Voilà le défi avec cette génération : les secouer, mais aussi les rassurer.
Et oui, c’est possible.
Car après tout… il faut un chemin pour se perdre.
Mais enfin, à quoi ressemble ce jeune d’un peu moins de 30 ans ?
Lorsque je présente mon projet dans les entreprises, ou que j'en discute lors de dîners, on me pose souvent cette question : "Au fond, à quoi ressemble cette génération des jeunes d’un peu moins de 30 ans ?". Et à chaque fois, je ressens une réticence à répondre avec des stéréotypes, car je rencontre chaque jour des jeunes talentueux et extrêmement diversifiés. Pourtant, je constate que le stéréotype a tellement imprégné les esprits que, parfois, avant même d’avoir rencontré un candidat formidable, certains recruteurs sont déjà agacés par l’image qu’ils ont de ces jeunes.
Une fois, un jeune m’a dit : "Je sens que dès que je parle, on me prend pour le stéréotype du jeune impatient et mal formé, alors que j’ai tellement envie de bien faire."
Alors je décide que plutôt que de les définir par des traits stéréotypés, je préfère parler de l’environnement éducatif et technologique dans lequel ils ont grandi. C'est cet environnement qui a façonné leurs compétences relationnelles, parfois en décalage avec ce qu’on attend d’eux dans le monde professionnel.
Un environnement éducationnel particulier :
Les jeunes de cette génération ont souvent été surprotégés. Beaucoup d'entre eux ont grandi dans un contexte où leurs parents les ont encouragés et soutenus sans relâche, parfois au point de les protéger des erreurs et des échecs. C’est un avantage en termes de confiance en soi, mais cela peut aussi les laisser moins préparés aux attentes relationnelles du monde professionnel. Ils peuvent sembler confiants, mais se retrouvent souvent déstabilisés face aux codes non-dits du monde du travail, notamment en ce qui concerne la communication. Mais pas uniquement. J’ai récemment rencontré aussi un jeune diplômé qui, après des années à être protégé par ses parents, avait du mal à comprendre pourquoi son manager attendait de lui une certaine autonomie.
L’impact de la technologie :
Et bien sûr, la technologie a profondément modifié la façon d'interagir. On échange à travers des écrans, sans odeur, sans présence physique, on se déconnecte et se reconnecte à volonté, on zappe rapidement d’un sujet à l’autre, et on peut tout dire en un instant à des centaines de personnes (comme je le fais en ce moment, d'ailleurs). On fait parfois semblant d’être attentif, et il est facile d’insulter quelqu’un en ligne ; mais face à cette personne, on n'oserait sans doute jamais lui parler de la même manière ; A moins que…
Ne les stéréotypons pas :
Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces jeunes ne sont pas définis par un seul comportement ou une seule attitude. Leur environnement éducatif et technologique les a influencés, certes, mais cela ne doit pas nous empêcher de voir leur potentiel.
15 Oct 2024
C’est très tôt que l’image du travail est donnée aux enfants
Aujourd’hui j’ai envie de m’adresser aux parents.
Quelle image du travail donnez-vous à vos enfants ?
Savez-vous à quel point l’état dans lequel vous êtes en rentrant du travail va créer chez eux des croyances : «Le travail fait souffrir, le travail c est purement alimentaire, le travail c’est ennuyeux et ça ne rend pas heureux » ; mais cela peut être aussi l’inverse : « Le travail c’est une source de joie, le travail ça donne la pêche, quand on travaille on est bien habillé, je suis fière de mon père ou de ma mère quand il/elle part au travail , le travail rend beau ».
Savez-vous aussi leur dire combien c’était sympa aujourd’hui; combien, malgré beaucoup de difficultés, vous êtes content d’avoir abouti vos objectifs, livré vos « milestones » avec vos équipes ou vos collaborateurs, combien vous êtes heureux d’avoir trouvé une solution au problème de votre client, comment avec une collègue vous avez eu un fou rire extraordinaire aujourd’hui ou simplement combien vous êtes fier de vos équipes ou fier de ce que vous faites.
Un jeune me disait : « Mon père il ne faisait que bosser, il était à la direction d’une assez grosse boite et lorsqu’on arrivait à le voir enfin avec mon frère, il nous disait que son job était …chiant. Mais il ajoutait en partant : Travaillez bien à l’école ! Avec mon frère, cela ne nous a jamais donné envie »
Oui on peut transmettre à nos enfants une image positive du travail en célébrant la performance, les relations entre collegues et notre contrat de confiance avec notre employeur.
Et vous, entreprises, n’oubliez pas que vos équipes ce sont aussi des parents qui préparent la relève, la future génération!!
30 Sept 2024
Que veut dire investir dans les jeunes pour une entreprise?
Que c’est bon d’échanger avec des DRHs qui ont la certitude qu’il faut s’occuper des jeunes, s’engager et investir sur eux ; ces nouvelles générations ont grandi dans un environnement éducationnel et technologique tellement différent avec en prime un Covid et un confinement qui a impacté leurs compétences relationnelles.
Ces jeunes auxquels il a manqué quelque chose de la vie.
Investir sur les jeunes pour une entreprise c’est proposer des stages, des alternances, des jobs même en période plus difficile. C’est mettre en place des parcours d’intégration pour leur permettre de mieux comprendre l’organisation, la culture, les valeurs du groupe ou ils arrivent. C’est développer ces jeunes et les former à des compétences métiers. C’est aussi aider les managers à bien les manager avec des valeurs de respect et d’excellence. C’est aussi promouvoir la diversité et l’inclusion bien sûr.
Mais investir sur les jeunes ce n’est pas que cela. C’est aussi les aider à mieux comprendre leur propre fonctionnement émotionnel et intellectuel et celui des autres. C’est leur permettre de mieux comprendre les lois de la relation et des interactions humaines dans le monde du travail. C’est prendre en compte qu’ils ont grandi dans un environnement moins propice au contact humain et les aider à faire un pas vers l’entreprise tout comme l’entreprise fait un pas vers eux.
Les entreprises ont apporté et apportent encore beaucoup de réponses nécessaires sur le confort de vie ( TT, Hausse de salaires, déco sympa, congé paternité…) mais il reste à apporter du lien et à comprendre quel est le vrai désir de ce jeune qui permet l’adéquation, pour un lien efficace, durable et performant.
Mieux se comprendre, c’est mieux s’engager
10 Sept2024
Se demander ce que vous aimeriez que l’on dise de vous
Ce matin j’accompagnais un jeune qui voulait se préparer à son premier jour en entreprise.
Il voulait me revoir car il voulait savoir comment il devait se comporter dans cette entreprise (que je connais bien par ailleurs !!)
Plutôt que de démarrer avec mes conseils, je lui ai demandé : « Que voudrais tu que l’on dise de toi dans ce département ? »
Il a alors pris conscience que si il réfléchit de cette manière plutôt que d’avoir des recettes de ma part ( qui ne marchent peut-être plus d’ailleurs) , il serait plus serein car il aurait le sentiment de maitriser ce qui allait lui arriver
Il m’a dit qu’il voulait que les gens disent qu’il était super fort techniquement, super sympa, et qu’il était très utile au reste de l’équipe …
Et il a pivoté. Il s’est mis à la place de l’autre. Il a même réalisé que parfois pour les autres si tu es trop fort, tu pourrais bien les mettre en défaut et que peut-être alors ils ne te trouveront pas très sympa …
Pas facile non ?
Prendre conscience que l’entreprise c’est aussi un monde d’hommes et de femmes avec leurs forces et leurs fragilités.
Il s’appelle Nicolas et il est reparti joyeux avec la décision d’être patient, d’observer d’abord le terrain ou il arrivait, de savoir à qui il avait à faire. Qu’il arriverait simplement avec l’envie d’apprendre, d’aider son entreprise à grandir et d’apporter ses connaissances au bon moment
Facile non ?
20 Aout 2024